Invité dimanche du Grand Jury RTL, le Premier ministre Manuel Valls a assuré que le gouvernement allait sauver mardi le site d'Alstom à Belfort (Challenges.fr du 02/10). Effectivement le jour dit, le secrétaire d’Etat à l’Industrie Christophe Sirugue annonçait une commande de l’Etat de 15 rames TGV pour les lignes Intercités et six autres pour la ligne Paris-Milan-Turin. S'ajoute également une commande la SNCF pour 20 locomotives de dépannage. En contrepartie, Alstom s’engage à investir 40 millions d'euros d'ici 2020.
Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la presse, comme les politiques de tous bords, est loin d’être convaincue... LaTribune.fr souligne effectivement que « comme François Hollande s'y était engagé, Belfort ne fermera donc pas. On ne peut que s'en réjouir. Pour autant, le montage est pour le moins loufoque en termes d'économie du transport, puisque les 15 rames TGV, capables de rouler à plus de 350 km/h, seront utilisées à 160 km/h sur des lignes Intercités (...). Il est peu rationnel de mettre une rame TGV à une trentaine de millions d'euros pièce à la place d'un train Intercités qui en coûte entre 11 à 15 millions (...). De quoi menacer davantage la rentabilité de ces lignes ». Le Parisien cite une source interne à la SNCF : « ce n'est pas la première fois que l'Etat considère la SNCF comme un paillasson. Mais surtout, il lui impose du matériel qui n'a pas d'intérêt pour elle ! ». De leur côté, LesEchos.fr soulignent que le montant de la commande pour l’Etat est de 500 millions d’euros, « soit un coût de 1,25 million pour chaque emploi sauvé (...). Dépenser des centaines de millions d’euros pour faire circuler des TGV à 200 km/h, c’est dilapider l’argent des contribuables ». Et l’éditorialiste Jean-Marc Vittori d’ironiser : « Porsche souffre? Aucune inquiétude, le gouvernement allemand va acquérir quelques milliers de 911 pour les prêter à des associations réalisant du transport de personnes âgées »... Le quotidien économique parle, au choix, de « sauvetage ubuesque » et de « bouffonnerie sur toute la ligne ». Pour Le Figaro, « à l'approche de l'élection présidentielle, le déconomètre fonctionne à plein tube ». Libération, de son côté, se lamente : « l'affaire Alstom est une parfaite illustration de la politique à la petite semaine menée depuis un bon moment par la France en matière industrielle (...). Il est bien loin, le temps de l'Etat stratège qui nourrissait en son sein des champions aptes à damer le pion aux plus grandes boîtes américaines ou asiatiques ». Pour Challenges.fr, « entre "fuite en avant" et "bricolage industriel", le plan à plus de 500 millions d’euros proposé par le gouvernement pour "sauver" le site Alstom de Belfort pose question (...). "C’est avant tout une décision politique", pointe un proche du dossier, "considérant que tout cela ne réglera pas le problème structurel de la baisse du fret en France ni la question du manque de compétitivité d’Alstom sur le marché français". Reste à savoir comment vont évoluer les négociations après le scrutin présidentiel de 2017. Et qui réglera la facture finale, l’Etat pouvant se délester auprès des régions »... La Croix s’interroge aussi du point de vue du droit : « c'est la première fois que le gouvernement acquiert des rames de TGV en compte propre (...). L'État contourne les procédures habituelles d'appel d'offres. Est-ce bien légal ? ». L’Union européenne pourrait effectivement se pencher sur le sujet.
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