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Le feuilleton de la semaine : Alstom

Coup de tonnerre relayé jeudi dernier (1er mai) par UsineNouvelle.com : « dès la semaine prochaine (...), Alstom et General Electric pourraient annoncer (...) un accord sur le rachat du français par l'américain. Une opération qui verrait le champion tricolore du rail et de l'énergie passer, avec ses technologies clés, sous pavillon étranger (...). Cette opération spectaculaire n'est pour l'instant qu'une rumeur, qui fait suite à celles qui ont émaillé le début de l'année 2014 avec les difficultés financières d'Alstom », dues notamment à un marché européen des infrastructures électriques atone. Présent dans une vingtaine de villes françaises, dont Belfort qui abrite son siège européen, General Electric France emploie 11 000 salariés dans l'Hexagone, contre 18 000 pour Alstom. Pour Le Figaro, ce serait la branche énergie d'Alstom, qui représente plus de 70% du groupe, qui serait dans le viseur de GE, et pas la ferroviaire.
Ce qui n'était alors qu'une rumeur devient réalité dès le vendredi, le patron du groupe hexagonal déclarant aux syndicats s'orienter effectivement vers une opération industrielle avec GE, entraînant la suspension de sa cotation à la Bourse de Paris. Bien que l'Etat ne soit plus actionnaire de l'entreprise depuis 2006, le président et le gouvernement, qui ont mis la lutte contre le chômage et la désindustrialisation au cœur de leur projet politique, s'invitent alors dans le dossier. Arnaud Montebourg, le ministre de l'Economie, déclare que l'Etat « jouera son rôle » et exercera son devoir de « vigilance patriotique » (Challenges.fr du 25/04).
« Le gouvernement travaille à d'autres solutions et éventualités que celles imaginées seules et sans que le gouvernement n'en ait été informé par Alstom [qui] est le symbole de notre puissance industrielle et de l'ingéniosité française », tance-t-il dans une interview au Monde, passablement énervé contre le PDG (NouvelObs.com du 25/04).
Nouveau rebondissement dimanche : l'allemand Siemens annonce avoir fait part à Alstom « de sa disposition à échanger sur les questions stratégiques soulevées par une coopération future ». Selon Le Figaro, il proposerait de racheter l'activité énergétique du français et de lui céder ses trains (NouvelObs.com du 27/04). Il est soutenu par le ministère allemand de l'Economie pour qui ce rapprochement recèlerait « un grand potentiel » (UsineNouvelle.com du 28/04).

Lundi, François Hollande et Arnaud Montebourg reçoivent à l'Elysée les trois acteurs clés du dossier : le PDG de GE, le patron de Siemens et Martin Bouygues, actionnaire de référence d'Alstom... dont le patron n'a, lui, pas été invité !
Le ministre déclare peu avant : « nous avons deux solutions. Pour utiliser des images qui parlent aux Français : soit on se fait racheter par Boeing, soit on construit Airbus (...). Nous refusons qu'Alstom décide en trois jours de vendre 75% d'un fleuron national. Les entreprises françaises ne sont pas des proies ». Le ministre du Travail François Rebsamen souhaite, lui, « que l'indépendance énergétique soit maintenue, que les centres de décisions restent en France et (...) que tous les emplois soient sauvegardés » (NouvelObs.com du 28/04). Même son de cloche chez le président de la République : « par rapport à ce dossier, je n'ai que ce seul critère : qu'est-ce qui sera le plus favorable à la création d'activité (...) et à l'emploi en France ». Alors que Force Ouvrière et la CGT appellent l'Etat à entrer dans le capital du groupe (Les Echos du 29/04), Arnaud Montebourg juge prématurée la question d'une nationalisation temporaire d'Alstom, préférant évoquer de possibles alliances entre l'État et les candidats à la reprise (LaTribune.fr du 28/04).
Mardi, Siemens déclare qu'il présentera bien une offre, à condition d'obtenir 4 semaines d'audit du groupe français (UsineNouvelle.com du 29/04). Le même jour, GE propose 12,4 milliards d'euros pour acheter la branche énergie d'Alstom. Le conseil d'administration de ce dernier se prononce pour, mais se donne 4 semaines de réflexion et « se réserve le droit de répondre à d'autres offres non sollicitées » (LeFigaro.fr du 30/04).
Quel que soit l'acquéreur, les dés semblent jetés sur le rachat du groupe. Les Echos de lundi titrent ainsi sur « la vente d'Alstom, symbole du déclin industriel français ». Pour le quotidien, « personne ne songe plus réellement à sauver le soldat Alstom. Solution américaine ou à l'allemande, près des trois quarts de son activité, réunissant ses métiers dans l'énergie, devraient passer sous peu sous pavillon étranger. Dans ce débat, le gouvernement, pas aussi fermé à General Electric que certains propos ont pu donner à le penser, négocie surtout pour conserver le maximum de compétences ou de décision dans l'Hexagone. Rien ne dit, de plus, que la solution Siemens permettrait de sauver davantage d'emplois que celle de GE en France ». Nombre de médias voient effectivement dans cette affaire le symbole du déclin de l'industrie française. Dans un éditorial paru le 28 avril sur le site de L'Usine Nouvelle, Thibaut de Jaegher souligne par exemple que « PSA, Lafarge, Publicis et d'autres avant lui ont changé de nationalité ou se sont vus transformés par des capitaux étrangers. En perdant un à un ses groupes de taille mondiale, la France perd de son influence sur la scène internationale ».
En marge, Challenges.fr nous explique pourquoi et surtout comment « Obama n'aurait jamais laissé Alstom racheter General Electric » : « les Etats-Unis, comme le Royaume-Uni, protègent leurs fleurons industriels via un arsenal juridique très efficace. La France, elle, est une passoire ».

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