Redressement productif ?
Tel était le titre en forme de question de deux éditoriaux parus le même jour, mercredi 20 juin 2012, dans deux grands quotidiens : Les Echos et Le Monde. Avec un même esprit critique.
Dans son billet des Echos, l'éditorialiste Favilla se montre dubitatif sur les premiers pas du ministre du Redressement productif : « tout le monde est d'accord, il faut réindustrialiser la France. Mais comment ? La longue expérience dont la France dispose (...) suggère que la préparation de l'avenir est plus efficace que la préservation du passé, et que la création d'un environnement favorable aux entrepreneurs est préférable aux actions ciblées. Ce ne sont manifestement pas les options retenues par notre ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, si l'on en juge par les annonces spectaculaires qui inaugurent son mandat. Notamment (...) la nomination, dans chaque région, de délégués au redressement productif chargés d'assister les PME en difficulté : on voit, c'est vrai, des entreprises saines contraintes au dépôt de bilan par manque de trésorerie, et ces cas justifient des actions préventives. Mais si l'Etat veut aplanir les obstacles qui bloquent la croissance des PME françaises, c'est en amont qu'il doit agir, et non par des mesures thérapeutiques ponctuelles : normalisation des relations avec les grands groupes donneurs d'ordres et les banques, délais de paiement, coût du travail, fiscalité... On dira que le ministre veut d'abord parer au plus pressé. Mais les signaux qu'il adresse au pays annoncent plus de conservatisme que d'anticipation de l'avenir ».
Même critique, le même jour, dans Le Monde : « depuis deux mois, les signes alarmants se multiplient : faillites en série, fermetures d'usines, difficultés de trésorerie de plus en plus nettes dans nombre d'entreprises. Non seulement les plans sociaux "mis au congélateur" pendant la campagne électorale en ressortent à présent. Mais, plus profondément, les entreprises françaises sont minées par la crise qui ébranle la zone euro depuis l'été 2011 et le ralentissement économique mondial de ces derniers mois. Ces deux facteurs ont cassé net le mouvement de reprise amorcé en 2010. Les coups de froid de ce type, les patrons y sont en principe habitués. Mais ce retournement de tendance intervient alors que les entreprises installées en France sont loin d'avoir récupéré de la précédente crise. Depuis plus de dix ans, au-delà de l'alternance classique des bonnes et des mauvaises années, leur situation ne cesse de se dégrader. Tous les indicateurs le démontrent : elles sont de moins en moins compétitives, perdent des parts de marché à l'étranger et voient leurs profits se racornir toujours davantage. En moyenne, leurs marges bénéficiaires réalisées dans l'Hexagone sont tombées à leur plus faible niveau depuis
25 ans ! Même en Espagne, les entreprises font mieux. Les arbres puissants et mondialisés du CAC 40, avec leurs milliards d'euros de profits, cachent une forêt de PME qui s'étiolent. Si bien que le nouveau vent glacé qui souffle risque d'être dévastateur pour l'industrie tricolore (...).
L'Etat ne peut se contenter de jouer les pompiers (...). Le "redressement productif" promis par le gouvernement implique d'abord de ne pas alourdir les coûts et charges qui pèsent sur les entreprises. Plus fondamentalement, ce redressement ne viendra que d'actions en profondeur pour mieux former les salariés, favoriser la recherche et l'innovation, inciter à la montée en gamme des produits fabriqués en France, maintenir des prix de l'énergie bas, etc. Aussi indispensables soient-elles, ces mesures structurelles ne produiront leurs effets que dans cinq ou dix ans (...). Candidat, François Hollande avait lancé des attaques aux accents très mitterrandiens contre la "finance sans visage". Président, il devra faire comprendre aux Français qu'il n'est pas amoral pour une entreprise de gagner de l'argent. Dès lors que c'est une condition, vitale, pour développer la production. Et l'emploi ».
Edité par l'équipe du MIDEST
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