Conjoncture
Cette semaine voit la remise en cause de deux idées généralement admises.
Ainsi, d’après UsineNouvelle.com du 5 mars, les résultats et le discours des organismes de crédit automobile vont à l’encontre de celle, répandue notamment par les constructeurs, que la crise du crédit est responsable de la baisse des ventes de voitures neuves. Pour Cetelem, « la baisse du marché du crédit à la consommation correspond à une baisse de la demande et non à une restriction de l’offre ». L’évocation de taux prohibitifs qui décourageraient le consommateur ne tient pas non plus : en effet, s’il est vrai que ceux-ci ont augmenté, les crédits automobiles font constamment l’objet de promotions.
Autre idée souvent reprise à laquelle L’Usine Nouvelle du 12 mars tord (malheureusement) le cou, le rapatriement des emplois de l’Est vers l’Ouest de l’Europe ne semble pas pour demain, les délocalisations restant payantes pour ceux qui les pratiquent. En effet, comme l’écrit Anne Léveillé, si « avec des ventes en chute de 60 %, ceux qui se sont officiellement installés à l’Est pour toucher le marché local déchantent (…), les autres (…) gardent le sourire, affirmant qu’ils ont plus à gagner qu’à perdre dans la dévaluation des monnaies ».
Quelques chiffres pour terminer. Les ventes de voitures neuves en Grande-Bretagne ont chuté de 21,9 % en février (LesEchos.fr du 05/03). En revanche, en Chine, celles des voitures de tourisme ont augmenté de 33,1 %, dopées par les aides publiques (LesEchos.fr du 06/03).
Constructeurs
Loin de se décourager, Peugeot lance simultanément trois nouveaux modèles avec une entrée de gamme, la 206 +, un crossover aux allures de 4x4, la 3008, et un coupé-cabriolet, la 308, confortant ainsi ses usines de Sochaux et Mulhouse (LesEchos.fr du 05/03). De quoi garder un niveau de vente élevé lorsque la prime à la casse, que Christian Streiff a qualifié d’ « outil dangereux » (LePoint.fr du 06/03), prendra fin ?
Pour le nouveau directeur des achats de Renault, la priorité est avant tout de sécuriser les approvisionnements, notamment en s’assurant de la bonne santé financière des fournisseurs, et de mieux gérer les stocks (La Lettre des Achats du 09/03). Patrick Pelata, le nouveau directeur général du constructeur, détaille par ailleurs dans L’Usine Nouvelle du 12 mars sa stratégie pour résister à la crise et que l’on peut résumer par un déplacement des priorités de la rentabilité vers la préservation des investissements stratégiques : la réduction de CO2 sur les moteurs essence et diesel, et l’émergence de modèles électriques.
A noter : les titres des constructeurs français ont enregistré une forte hausse mercredi à la Bourse de Paris en raison d’une rumeur aussitôt démentie de mariage entre les deux groupes (LaTribune.fr et LesEchos.fr du 11/03). La nomination d’un spécialiste des fusions-acquisitions en qualité de directeur de la stratégie à la direction financière de PSA ne serait pas étrangère à cette réaction (LesEchos.fr du 11/03).
Après mûre réflexion, Renault Trucks a finalement accepté de bénéficier du prêt alloué par le gouvernement dans le cadre du plan de relance, mais à hauteur de 250 millions d’euros au lieu des 500 initialement prévus (UsineNouvelle.com du 10/03).
Rien ne va plus pour General Motors. Dans un document rendu public en fin de semaine dernière, le premier constructeur américain reconnaît qu’il existe « un doute substantiel » sur sa survie. Selon les auditeurs qui se sont penchés sur le dossier, sans l’aide de l’Etat américain, c’est le dépôt de bilan assuré à très court terme (LesEchos.fr, NouvelObs.com, LaTribune.fr et UsineNouvelle.com du 05/03). Le constructeur n’est même plus soutenu par l’opinion publique, seuls 32 % des Américains ayant une opinion favorable de leur ancien fleuron industriel d’après un récent sondage. Ils étaient 69 % il y a un an. 64 % des contribuables interrogés se sont en outre prononcés contre une aide supplémentaire. De quoi réjouir les Républicains, John Mc Cain en tête, qui militent pour un placement de l’entreprise sous le chapitre 11 de la loi des faillites (UsineNouvelle.com du 09/03).
En Europe, Bruxelles appelle à une réponse coordonnée des Etats-membres concernés par l’appel à l’aide du géant US aux pieds d’argile. Berlin lui a par ailleurs demandé de revoir sa proposition de plan de sauvetage pour sa filiale Opel, qualifié d’ « honteux et indécent » (LeFigaro.fr du 07, UsineNouvelle.com et LesEchos.fr du 09/03). General Motors aurait notamment cédé au Trésor américain les brevets du constructeur allemand, qui ne serait plus propriétaire des bâtiments et des usines qui portent sa marque. L’ire de Berlin est si forte qu’un dépôt de bilan pur et simple ne serait pas exclu (LesEchos.fr du 06/03). Angela Merkel se trouve en effet prise en étau entre les réticences de son parti à un soutien public et la perte de 400 000 emplois qu’engendrerait, selon le syndicat IG Metall, la disparition d’Opel (LesEchos.fr du 09/03) qui a annoncé cette semaine la suppression de 250 emplois en Pologne (UsineNouvelle.com du 10/03).
De son côté, Ford, le seul des Big Three à ne pas avoir sollicité le soutien de Washington, a lancé une importante restructuration de sa dette (LesEchos.fr et UsineNouvelle.com du 05/03). Solidaires, les syndicats ont ratifié un accord sur le recul de leurs avantages sociaux destiné à franchir 2009 sans faire appel à des prêts d’Etat (UsineNouvelle.com du 10/03). A l’opposé, les ventes du sud-coréen Hyundai en Amérique du Nord ont progressé de 14 % en janvier. Les raisons de cette « insolente réussite » (LesEchos.fr du 09/03) ? Le lancement d’un modèle haut de gamme particulièrement réussi et moins cher que ses concurrents, la Genesis, et un système révolutionnaire de commercialisation : le constructeur s’engage à racheter les voitures de ses clients qui perdraient leur emploi dans les 12 mois suivant l’acquisition d’une Hyundai. Autre « extraterrestre » dans le contexte actuel, Audi a accru son bénéfice net de 30 % en 2008 et augmenté ses ventes pour la treizième année d’affilée (LaTribune.fr du 10/03). Le constructeur s’attend en revanche à une baisse en 2009 qui, selon son rapport annuel, « sera sans doute l’année la plus difficile dans l’histoire de l’industrie automobile », et table sur une stabilisation en 2010 (LesEchos.fr du 10/03).
Prestataires
Les manifestations se multiplient chez les équipementiers et les sous-traitants de l’automobile. Celle des salariés de Valeo à Paris vendredi dernier contre la suppression de 1 600 postes en France a été particulièrement houleuse. Les employés de Faurecia (voir ci-dessous), de la fonderie SBFM à Lorient (contre les 237 emplois menacés par la mise en redressement judiciaire) et d’Holophane (fabricant de glaces en verre implanté aux Andelys où 55 licenciements ont été décidés alors que les employés réclament le rapatriement de la production de pièces fabriquées en Tunisie) sont également descendus dans la rue ces derniers jours. Commentaire ironique de Raphaëlle Karayan dans UsineNouvelle.com du 9 mars : « à force d’entendre parler des fameux ’10 % de la population active’ travaillant dans l’automobile, on finit par les voir »…
Grèves, suite : une partie des salariés de l’usine d’emboutissage Magnetto Automotive, sous-traitante de PSA à Aulnay-sous-Bois, se sont mis en grève afin d’obtenir des compensations pour le travail supplémentaire qu’ils doivent opérer, suite au départ de 90 intérimaires voulu par la direction (UsineNouvelle.com du 05/03). Ils ont repris leur activité le 10 mars après avoir obtenu notamment des primes (UsineNouvelle.com du 10/03).
En revanche, Faurecia a annoncé la fermeture d’ici 2010 de son site d’Auchel, dans le Pas-de-Calais. Une partie de la production sera transférée sur des sites voisins, et 179 des 508 emplois seront supprimés (LesEchos.fr et UsineNouvelle.com du 05/03). Un piquet de grève s’est immédiatement mis en place. Les salariés de l’usine de Brières-les-Scellés, dans l’Essonne, ont également manifesté à Etampes et présenté un projet alternatif au plan de 405 suppressions prévues sur leur site (LesEchos.fr du 10/03). Beaucoup ne comprennent pas que l’équipementier, détenu à 71 % par PSA, ne soit pas inclus dans les engagements du groupe concernant le maintien de l’emploi dans le cadre du Pacte automobile (UsineNouvelle.com du 11/03). Crise du pneu, suite. C’est au tour de Pirelli d’annoncer une perte de 412,5 millions d’euros en 2008 (LesEchos.fr du 10/03). Sous l’effet de la crise, Michelin, Continental et Yokohama Rubber viennent d’ailleurs d’annoncer l’annulation de contrats à long terme pour l’achat de caoutchouc indonésien destiné à la fabrication de pneumatiques (UsineNouvelle.com et LesEchos.fr du 06/03). Alors que le directeur de l’usine Continental de Clairoix, dans l’Oise, qui emploie 1 120 personnes, faisait durer le suspense quant aux rumeurs insistantes de fermeture du site (LesEchos.fr du 05/03), l’équipementier allemand les confirmait malheureusement mercredi, suscitant l’incompréhension des syndicats, des médias et du Gouvernement. Ce dernier a ainsi déclaré que le groupe devrait « se justifier devant les tribunaux ». Il s’agit de la plus grosse fermeture d’usine en France depuis le début de la crise qui secoue l’automobile. Rappelons que la branche pneumatiques de Continental est l’une des rares à avoir annoncé des résultats positifs en 2008 et que les salariés de Clairoix avaient consenti de nombreux sacrifices, notamment le retour aux 40 heures sans augmentation de salaire, pour éviter la fermeture (NouvelObs.com, LesEchos.fr, LeParisien.fr, Challenges.fr et UsineNouvelle.com du 11/03…). Enfin, le numéro un mondial de l’équipement automobile, l’allemand Bosch, a démenti être intéressé par son compatriote Schaeffler, en grande difficulté suite à son rachat de Continental et qui cherche des investisseurs (LesEchos.fr des 06 et 09/03). Suite à l’annonce de la fermeture de son site de Villemur-sur-Tarn, la direction de Molex vient de confier une mission de revitalisation du bassin d’emplois à un cabinet spécialisé (UsineNouvelle.com du 05/03).
La Bourse de New York va retirer l’équipementier américain Visteon de la cotation. Avec une perte nette de 328 millions de dollars au quatrième trimestre 2008 et une trésorerie étranglée par les dettes. Son titre est en effet tombé à 0,07 dollar (UsineNouvelle.com du 05/03).