Conjoncture
La chute du marché européen ralentit en février grâce aux performances exceptionnelles de l’Allemagne : les immatriculations de voitures neuves ont ainsi chuté de 18,3 %, contre 27 % en janvier. Côté français, PSA affiche – 24 % et Renault – 19,9 % (UsineNouvelle.com du 13/03).
La Banque européenne d’investissement, la BEI, vient d’approuver un prêt de 3 milliards d’euros au secteur automobile, cet argent étant destiné aux constructeurs allemands, italiens, français et suédois, comme toujours au nom de la sacro-sainte amélioration de l’efficacité énergétique et de la réduction des émissions de CO2. PSA et Renault toucheront chacun à ce titre 400 millions. 2,8 milliards supplémentaires devraient être débloqués en avril et en mai. Aucune nouvelle, en revanche, de mesure qui concerne directement les sous-traitants (LesEchos.fr du 12/03).
Pourtant, la révolution dont on parle tant en ce moment n’est pas pour demain. Sous le titre « Volkswagen fait retomber le soufflet de la voiture électrique » et comme en écho à l’annonce de Bolloré la semaine dernière, UsineNouvelle.com du 16 mars relate que le patron de Volkswagen Amérique a déclaré qu’il faudrait bien 35 ans pour que ce type de véhicule gagne des parts de marché significatives dans le monde. C’est en effet le temps qu’il faudra pour réduire le coût des modèles et construire les infrastructures nécessaires en termes de recharge et de capacités électriques.
Constructeurs
Selon le quotidien italien Il Sole 24 Ore, Fiat, qui devrait s’emparer de 35 % de Chrysler, étudierait un plan de fusion avec PSA (LeParisien.fr du 13/03). Si le constructeur italien a démenti, son homologue français s’est refusé à tout commentaire (LeParisien.fr, Liberation.fr, LesEchos.fr et LeFigaro.fr du 13/03).
Renault a finalisé son accord social de crise qui prévoit d’indemniser l’ensemble de ses salariés en chômage partiel. Ceci sera possible grâce à l’abondement par les cadres et les techniciens à un fonds alimenté par des jours de RTT (LaTribune.fr et UsineNouvelle.com du 18/03). Exception notable dans le paysage actuel, Dacia, la filiale de Renault, a le vent en poupe, nous apprend UsineNouvelle.com du 17 mars : ses ventes en Europe ont progressé de 8,3 % en février, dopées notamment par le marché allemand. Ses ventes mondiales ont également augmenté de 8,3 % en 2008 par rapport à 2007.
General Motors, qui réclame 2 milliards de dollars supplémentaires à l’Administration américaine, devrait néanmoins passer le mois de mars sans aide grâce à l’accélération des économies prévues (LesEchos.fr du 12 et UsineNouvelle.com du 13/03). Si les ventes du constructeur américain devraient se stabiliser en mars, ses dirigeants prévoient qu’elles repartent à la hausse dans l’année (LesEchos.fr du 16/03).
Sa filiale Opel aurait suffisamment de liquidités pour tenir jusqu’en avril (UsineNouvelle.com du 18/03).
Prestataires
« C’est l’hécatombe chez les équipementiers automobiles » titre LeParisien.fr du 13 mars. Et le support d’égrener les défaillances : Continental Clairoix (fermeture, voir ci-dessous), Valeo (1 600 postes supprimés en France et 5 000 en Europe), Faurecia (1 215 emplois rayés de la carte), Plastic Omnium (219 en moins), Tyco Electronics (2 sites et 620 postes…), Key Plastics France et Molex (300 personnes licenciées pour chacun d’eux)… « Face à la gravité de la situation, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une mobilisation des pouvoirs publics. A commencer par le Parti socialiste, qui réclame que ‘le plan de sauvegarde de l’automobile soit étendu aux équipementiers’. Une demande qui laisse le gouvernement circonspect : ‘entre le plan de relance et le plan auto qui a un volet spécifique pour les sous-traitants, l’Etat s’est mobilisé’, explique-t-on dans l’entourage de Luc Chatel ». Mais en évoquant les 600 millions d’euros du FMEA, la journaliste, Valérie Hacot, souligne que la somme « paraît bien dérisoire comparée aux 6 milliards d’euros alloués aux constructeurs ».
Le secrétaire d’Etat à l’Industrie semble pourtant bien conscient du problème. LaCroix.com du 12 mars, qui replace les mésaventures de Continental dans un contexte allemand catastrophique où les exportations automobiles ont chuté de 51 % en février, rapporte en effet qu’il a déclaré : « la sous-traitance est en quelque sorte victime d’une double peine : le ralentissement du marché et le déstockage des constructeurs ».
Fermeture de l’usine Continental de Clairoix, suite : histoire d’œufs. Christine Lagarde, la ministre de l’Economie, s’est dite « choquée » par la manière dont s’est déroulée l’annonce et Luc Chatel a parlé de « trahison » vis-à-vis des salariés (LExpress.fr du 13/03). Le 12 mars, Laurent Wauquiez, le secrétaire d’Etat à l’Emploi, estimait que les salariés auraient raison de porter plainte contre leur employeur car « les règles d’information n’ont pas été respectées ». Il évoquait également un « non respect des règles de procédures de licenciement » (Liberation.fr du 12/03). Le même jour, le directeur de l’usine, venu s’expliquer devant ses employés, était accueilli à coups de jets d’oeufs (LeParisien.fr du 12/03). L’infortuné responsable n’est d’ailleurs pas le seul à marcher sur des oeufs : cette décision est interprétée par beaucoup comme un camouflet à la fameuse doctrine du « travailler plus pour gagner plus », ce qui pourrait expliquer en partie la réaction épidermique des pouvoirs publics et de différents responsables économiques comme le président de la CGPME, nombreux à sortir de leur coquille cette semaine (LesEchos.fr du 12/03)… En réponse aux critiques, le vice-président de Continental promet que les indemnités seront doublées mais soutient avoir « respecté les procédures légales » et affirme au passage que la fermeture n’est pas liée aux difficultés de son nouvel actionnaire majoritaire, Schaeffler, que la société n’a jamais promis que le retour aux 40 heures garantissait les emplois (les syndicats prétendent au contraire que Continental s’était engagé sur la pérennité du site jusqu’en 2012 en échange de l’accord) et que Clairoix reste l’usine la moins productive d’Europe (Challenges.fr et LesEchos.fr du 12/03). En résumé, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Illustration littérale lundi : des centaines de salariés sont en effet montés à Reims pour manifester à l’occasion du Comité central d’entreprise du fabricant. Ce dernier sera finalement ajourné : après avoir lynché symboliquement un mannequin représentant le directeur de l’usine, les ouvriers en colère l’ont interrompu pour arroser copieusement ses participants… à coups d’œufs (Liberation.fr, LeMonde.fr, LePoint.fr, LeFigaro.fr et LeParisien.fr du 16/03). Finalement, les salariés votaient la reprise du travail qui sera effective lundi prochain (LeParisien.fr des 17 et 18/03). Nicolas Sarkozy promettait dans le même temps qu’il ferait respecter leurs engagements aux dirigeants, déclarant « je n’ai pas été très content de l’attitude des gens de Continental, parce qu’ils ont pris des engagements et que dans la vie, on tient ses engagements. On assume, on vient expliquer aux gens, on ne fuit pas » (NouvelObs.com du 17/03). Espérons qu’il arrive à les convaincre de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier.
La direction de l’usine Goodyear d’Amiens a indiqué qu’un nouveau plan social serait présenté dans les prochaines semaines. Un millier de postes serait menacé. Il s’agit de la seconde réorganisation en moins d’un an (LeFigaro.fr, LesEchos.fr du 18 et Liberation.fr du 19/03). La moitié des salariés de l’usine de Toul de son concurrent Kléber, qui a fermé il y a trois mois, ont retrouvé une activité. A l’heure actuelle, les machines seraient en cours de démontage pour partir vers d’autres sites du groupe Michelin en Roumanie, en Hongrie ou encore en Espagne (UsineNouvelle.com du 17/03). L’Usine Nouvelle du 19 mars, qui consacre son dossier aux vrais scandales des licenciements en les classant en quatre catégories face auxquelles les salariés sont fondés à demander des comptes, « mensonges et omissions », « désinvolture », « promesses non tenues » et « mesquinerie », place ce cas dans la première, au côté de Continental Clairoix.
C’est une évidence : l’enjeu actuel est de soutenir financièrement les acteurs de l’automobile. A ce titre, le président d’Allizé-Plasturgie fait une recommandation doublée d’une mise en garde dans l’éditorial du Plastilien de mars.
Recommandation sur le financement de la filière : « depuis 20 ans, les constructeurs ont reporté sur le rang 1 puis sur le rang 2 le mistigri financier des coûts d’étude, de certains investissements amortissables sur les ventes futures de véhicules. Les 6 milliards d’euros injectés par l’Etat chez les 2 constructeurs doivent être utilisés, entre autres, à soulager la trésorerie des fournisseurs par un remboursement anticipé des sommes dues, ce qui permettra de sauvegarder le tissu industriel de rang 1 et rang 2, en apportant une bouffée d’oxygène considérable immédiate et de revenir à l’orthodoxie du financement ».
Mise en garde sur le prix de vente des véhicules : « en appliquant des taux de remise de l’ordre de 30 %, les constructeurs se tirent une balle dans le pied. D’une part, ils accréditent auprès des consommateurs qu’ils disposent de marges confortables alors qu’en réalité, il s’agit de liquider les stocks pour récupérer des liquidités. D’autre part, les constructeurs créent involontairement de nouvelles références tarifaires qu’il sera, à l’avenir, difficile de remonter. Alors, qui pourra produire à ces conditions avec un niveau de prix de revient compatible avec une marge positive ? Certainement les constructeurs chinois, probablement pas nos champions nationaux ».
Toujours en matière de soutien financier, le Conseil régional de Bourgogne accorderait une subvention exceptionnelle de 750 000 euros au groupe Fiat Powertrain Technologies pour lui permettre de moderniser son site de Bourbon-Lancy qui emploie plus de 1 600 salariés spécialisés dans la production de moteurs diesel (UsineNouvelle.com du 13/03). Enfin, l’équipementier américain TRW, spécialiste des systèmes de freinage, investit 17 millions d’euros pour moderniser son site de Bouzonville, en Moselle (UsineNouvelle.com du 17/03).