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Spécial élection présidentielle

Le débat du 26 janvier entre le candidat socialiste François Hollande et le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé lors de l'émission Des paroles et des actes sur France 2 a abordé plusieurs points concernant les PME et l'industrie, souligne UsineNouvelle.com. D'après la lettre quotidienne, M. Hollande « a reconnu du bout des lèvres qu'il conserverait certaines mesures mises en place par l'actuel gouvernement. "Le crédit d'impôt recherche, nous devons le répartir davantage. Mais il est tout à fait utile pour le redressement productif", a-t-il lâché (...). Le ministre des Affaires étrangères a saisi la balle au bond pour énumérer les différents dispositifs que le candidat socialiste ne remettait pas en cause. "La taxe professionnelle, nous l'avons supprimée et cela marche très bien, a-t-il commencé. Le crédit d'impôt recherche, qui bénéficie aux PME puisqu'elles représentent 60% des bénéficiaires, vous le gardez. Les investissements d'avenir, pour 35 milliards d'euros dont 11 milliards sont déjà décaissés, vous les gardez. Vous vous grandiriez en reconnaissant que depuis cinq ans, il y a eu des bonnes choses."

François Hollande a néanmoins pu prendre sa revanche à propos de la modulation de l'impôt sur les sociétés, pour qu'il soit progressif en fonction de la taille des entreprises (35% pour les grandes entreprises, 30% pour les entreprises de taille intermédiaire et 15% pour les PME). "La bonne réforme serait de moduler l'impôt sur les sociétés en fonction de la destination des bénéfices", a déclaré Alain Juppé. Selon lui, les effets de seuils créés par les différents taux en fonction de la taille constitueraient un frein au développement des entreprises. Il vaut mieux réduire l'impôt des entreprises qui réinvestissent leurs bénéfices. "Cela fait cinq ans que nous faisons cette proposition, cinq ans que vous la refusez", a rétorqué François Hollande ».

Dimanche soir, le chef de l'Etat s'est expliqué à la télévision sur une série de mesures pour relancer et soutenir l'économie. Parmi elles, la création d'une banque de l'industrie « parce que des chefs d'entreprise me le disent tous les jours : les banques ne prêtent pas assez. Et quand les banques prêtent, elles prêtent trop cher ». Cette banque fonctionnera avec un milliard d'euros de fonds propres : « je dis à tous ceux qui veulent investir que cette banque prêtera ces fonds pour l'économie réelle, et non pas pour l'économie financière ». L'établissement devrait voir le jour dès le mois de février. Autre mesure intéressante pour l'industrie : une augmentation de la TVA de 19,6% à 21,2% et une hausse de la CSG sur les revenus financiers. Celles-ci devraient permettre de soulager de 13 milliards d'euros les charges des entreprises. M. Sarkozy souhaite également inciter fortement les entreprises de plus de 250 salariés à intégrer des apprentis à hauteur de 5% de leur effectif progressivement d'ici à 2015. Les sociétés qui ne se conformeront pas à cette directive se verront infliger de lourdes amendes. Il veut aussi améliorer la flexibilité de l'emploi en aboutissant d'ici à deux mois à des accords compétitivité-emploi avec les partenaires sociaux, tournant par la même occasion définitivement la page des 35 heures.

Le moins que l'on puisse dire est que ces annonces ont laissé dubitatif Laurent Guez, qui signe l'éditorial de l'Usine Nouvelle du 2 février : « les annonces du président de la République (...) ont de quoi ravir les dirigeants de l'industrie, tant elles sont ciblées sur la création de richesses. Inspirées par de bons sentiments et par une politique made in Germany, ces mesures ont-elles des chances de marcher ? Hélas (...), nous nous permettons d'en douter.

Prenons le transfert des cotisations sur la TVA et la CSG, qui vise à créer un "choc de compétitivité". Il a deux faiblesses. La première, c'est son ampleur, trop faible. La totalité des cotisations de la branche famille représente environ 30 milliards d'euros. Ce qui paraît déjà un peu juste pour générer une baisse du coût du travail susceptible de faire gagner à nos entreprises des parts de marché. Or la mesure de Nicolas Sarkozy, limitée à la part patronale, porte sur moins de 14 milliards... La deuxième, c'est son horizon, incertain. Le calendrier annoncé (qui prévoit une application à partir d'octobre) transforme en effet la réforme en promesse électorale. Si le Président est réélu, il la tiendra sans doute ; s'il est battu, le transfert de charges sera enterré.

Autre décision, la création d'une banque de l'industrie, filiale d'Oséo. L'idée n'est pas toute neuve. Outre qu'elle figure dans le programme de François Hollande, elle était défendue dès 2010 par l'ancien ministre Christian Estrosi, dans le cadre des états généraux de l'industrie (...). [Mais] ce n'est pas un établissement spécialisé qui répondra aux besoins de toute l'industrie. Mieux vaudrait (...) inciter les banques à financer les PME. Ou (...) orienter une partie de la collecte de l'assurance-vie vers nos entreprises.

Troisième idée : le chef de l'État a proposé aux partenaires sociaux de conclure des pactes "compétitivité-emplois". Ces accords seraient signés à l'échelle de l'entreprise. Ils permettraient, lorsque le carnet de commandes se dégarnit, de réduire le temps de travail... et les salaires, afin d'éviter les licenciements. La plupart des syndicats y sont opposés, car un employé ne pourrait plus refuser individuellement de signer. Malgré ces réticences, cette mesure est peut-être la plus intéressante. Elle place la direction et les représentants des salariés face à leurs responsabilités. Toujours le modèle allemand ».

Mais ce dernier est-il la panacée ? Thibaut de Jaegher en doute comme il l'explique dans un autre éditorial d'UsineNouvelle.com intitulé « pourquoi nous ne pourrons pas copier l'Allemagne ». Selon lui, cette nation « se retrouve aujourd'hui dans une position privilégiée car elle a cumulé un certain nombre d'avantages compétitifs qui n'ont pas tous à voir avec le coût du travail », en particulier « la nature de son portfolio industriel. Pour l'exportation, il est nettement mieux orienté que le nôtre. Constitué essentiellement de biens d'équipements (machines-outils...) et de produits perçus haut-de-gamme (comme c'est le cas pour les BMW, Audi ou Porsche particulièrement prisées en Chine), il ne subit que très peu de pression sur ses prix. Ce qui permet aux industriels allemands de conserver des marges suffisantes pour continuer à innover et investir en Allemagne ». Quant au « faible coût du travail (...), il est bon de se rappeler que notre voisin a bénéficié d'une zone low-cost à domicile grâce à l'intégration de l'ancienne RDA ». Conclusion : « copier le modèle allemand en France se révélera non seulement vain mais inefficace. La seule chose dont l'on pourrait s'inspirer en revanche, c'est la capacité des Allemands à mettre en place une stratégie industrielle et à s'y tenir. Avant de nous lancer dans des réformes de manière précipitée, notre pays devrait d'abord définir là où il veut arriver. Un tel travail révélerait sans doute que la question du coût du travail n'est pas le levier essentiel sur lequel nous devons nous appuyer pour redresser notre compétitivité ».

Une analyse que semble partager en partie le candidat du Modem François Bayrou. En déplacement en Savoie le 27 janvier, il avait en effet choisi de visiter Meggitt Sensorex, une PME qui conçoit et développe des capteurs pour l'aéronautique. Pour lui aussi, « la solution à la crise que nous traversons n'est pas dans l'effondrement du coût du travail (...). Défendre un coût du travail honorable est indispensable à la recherche, à l'innovation et à la création (...). C'est en partant du haut et du moyen de gamme qu'il faut récupérer la base de notre production ». Son programme, présenté mercredi, repose essentiellement sur les PME, porteuses d'innovation et de création d'emplois : mise en place d'un crédit impôt innovation, coup de pouce aux business angels, aide à la création de structures d'investissement en direction des PME, cogestion, création d'un livret d'épargne industrie... Opposé à la TVA sociale, il semble favorable à la remise en cause des 35 heures, atténuée par la mise en place d'accords cadres négociés par branche, destinés à éviter les abus « et les éventuelles pressions » (UsineNouvelle.com des 30/01 et 01/02).

Edité par l'équipe du MIDEST

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