Le ministre de l'Industrie n'est plus... Vive le ministre du Redressement productif !
Cela ne vous aura pas échappé : votre secteur de prédilection est désormais placé sous la responsabilité d'Arnaud Montebourg sous cette appellation exotique que le ministre justifie ainsi : « nous sommes en état de redressement et de mobilisation nationale ». Evoquant les « 750 000 emplois industriels » disparus en 10 ans, il prédit des temps difficiles : « nous allons connaître, dans très peu de temps, de nombreux dégâts supplémentaires qui vont apparaître dans de grandes entreprises (...). [Je] suppose que les idées de tout le monde doivent pouvoir s'unir pour trouver des solutions (...). Solutions privées, solutions publiques, alliance du privé et du public, c'est comme ça, au cas par cas, que nous remonterons notre économie ».
Une sortie aussitôt critiquée par Xavier Bertrand, l'ex-ministre du Travail : « on devait avoir le changement c'est maintenant, on a le reniement c'est maintenant », a-t-il ironisé. « Il commence à nous dire qu'en fin de compte il ne va pas réussir, alors que pendant toute la campagne, il volait au secours... style super Montebourg, pour dire on ne fermera rien, ne vous inquiétez pas, il ne se passera rien ». Christian Estrosi, ancien ministre de l'Industrie, a également visé son successeur, jugeant « assez effrayant que les premiers mots du ministre soient la promesse d'échecs industriels. Il nous rejoue 'l'Etat ne peut pas tout' de Jospin à Vilvoorde ». Et peu importe si ces funestes annonces, prévues avant la campagne, ont étrangement été repoussées après l'élection.
Le président du MODEM François Bayrou a pris la défense d'Arnaud Montebourg et de l'intitulé de son portefeuille : « j'ai vu qu'il y avait beaucoup d'ironie à propos de cet intitulé. Pour moi, je considère qu'il est absolument fondé : s'il est une mission essentielle dans ce gouvernement, c'est bien celle-là (...). Je ne sais pas si Arnaud Montebourg réussira. Il a lui-même émis avec prudence l'idée qu'on ne réussirait pas tout. On lui en a fait le reproche. Moi, je ne lui en ferais pas le reproche. C'est vrai, il a raison » (UsineNouvelle.com du 22/05).
Dans son éditorial de L'UsineNouvelle de cette semaine, Laurent Guez prend de la hauteur par rapport aux polémiques politico-politiciennes en se demandant « à quoi pensait (...) le président de la République lorsqu'il a décidé de rebaptiser [ainsi] son ministère de l'Industrie ? Sans doute avait-il à l'esprit cette acception [du mot "redressement"] : le fait d'assainir une entreprise en difficulté pour la relancer. L'industrie française n'est certes pas en faillite. Mais comme une tige tordue par un environnement peu favorable et par une concurrence d'une rare violence, elle peine à retrouver sa forme. Pour la redresser, le nouveau gouvernement mise sur la future "banque publique d'investissement" et sur les réformes de la fiscalité et du dialogue social. Il a dans son jeu un autre atout nommé Montebourg. Le nouveau ministre, promoteur d'un néoprotectionnisme européen orienté vers l'innovation et l'écologie, mettra son talent et son verbe flamboyant au service de nos usines. Pour son premier portefeuille ministériel, ce réformateur ambitieux aura à cœur de réussir. Pour l'industrie, c'est une bonne chose. Pour l'heure, Arnaud Montebourg va devoir gérer des dossiers brûlants. Ils sont nombreux. Au-delà des plus médiatisés (...), L'Usine Nouvelle a identifié une trentaine de sites en danger. Au total, selon notre calcul, plus de 23 000 postes sont menacés à court terme, dont les deux tiers dans la seule industrie automobile (...). Le redresseur productif devra d'abord jouer l'extincteur social. Pour y parvenir, il est ouvert aux solutions créatives. En même temps, il admet qu'il ne réussira pas à sauver tous les emplois d'un coup de baguette magique. La réindustrialisation, le ministre le sait bien, passe aussi par l'invention de produits nouveaux et la conquête de marchés émergents. Pendant que des sites ferment, d'autres se créent. Selon notre estimation, 25 usines sont sorties de terre depuis le début de l'année. Déjà le début d'un redressement ? ».
Edité par l'équipe du MIDEST