Les industriels n'ont pas le moral. L'indicateur synthétique du climat des affaires, qui résume leur opinion sur la conjoncture, a reculé de sept points en novembre. Il se situe à son niveau le plus bas depuis septembre 1993, a révélé, mardi 25 novembre, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) dans son enquête mensuelle de conjoncture dans l'industrie. Les perspectives de production, tant personnelles que générales, sont à leur plus bas niveau historique. Elles laissent présager une poursuite du ralentissement de l'activité au cours des prochains mois.
Sur le terrain, la récession industrielle se fait sentir partout. Elle conduit les entreprises à "serrer les boulons" et à geler leurs projets, faute de visibilité sur 2009. La filière des sous-traitants de l'automobile, par exemple, subit la crise de plein fouet. Les décolleteurs de la vallée de l'Arve (Haute-Savoie) font face à une forte chute de leur activité depuis octobre. Sur les 600 entreprises de la région, interrogées par la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), plus d'une centaine prévoit une diminution de leur chiffre d'affaires de 35 % en octobre et de 50 % en décembre.
LES ENTREPRISES À GENOU
La baisse brutale des commandes a conduit les sous-traitants de premier rang à mettre en place des plans de sauvegarde de l'emploi. Quant aux sous-traitants de second rang, ils mettent fin aux missions de leurs intérimaires, programment des arrêts complets d'activité entre les fêtes, et une quarantaine de PME sont en chômage partiel. Pour ces entreprises qui emploient 14 000 salariés, la CGPME réclame une exonération de taxe professionnelle en 2008 et des reports de paiements des charges sociales en 2010 "sans inscription au privilège", c'est-à-dire sans ce fichage à la Banque de France qui, dit-elle, "met les entreprises à genou".
Dans l'Oise, où quelque 10 000 salariés travaillent dans cette filière, les sous-traitants des grandes constructeurs tournent à 20 % ou 25 % de leurs capacités de production, assure Christophe Heymès, délégué général du Medef dans le département. Là aussi, les intérimaires ont été remerciés, les salariés sont priés de prendre leurs jours de réduction du temps de travail (RTT) ou leurs congés payés 2009 par anticipation. Les entreprises imposent des périodes de fermeture obligatoire, recourent au chômage partiel et, dans le pire des cas, licencient.
Le travail temporaire, qui a employé 650 000 équivalents plein temps (EPT) en 2007, fait les frais de la crise. Il a perdu près de 100 000 EPT entre octobre 2007 et octobre 2008, indique Arnaud de la Tour, président de l'organisation patronale des Professionnels de l'intérim, services et métiers de l'emploi (Prisme). "Nous n'avons pas de visibilité pour 2009, mais nous ne sommes pas très optimistes, malgré la résistance de certaines filières industrielles, comme l'aéronautique, ou des services. Lors de la récession de 1992-1993, il nous avait fallus trois ans pour retrouver nos niveaux d'activité d'avant la crise", précise-t-il.
La chute des commandes est nette partout, même dans les départements où l'activité industrielle est très diversifiée. En Charente, par exemple, Véronique Brouillé (Medef) note que la cellule de soutien aux TPE-PME "n'est pas submergée de demandes". Mais elle constate "des signes inquiétants" comme "l'explosion des demandes de chômage partiel", dont le nombre a été multiplié par huit en un mois. Dans ce département comme dans l'Oise, les relations des PME avec leurs assureurs-crédit sont tendues. "Quand Euler Hermès SFAC ou Coface décotent des pans entiers de l'économie, les entreprises concernées font face à des fournisseurs qui leur demandent de payer comptant. Pour les PME, ce peut être catastrophique", note M. Heymès. Dans cette sombre ambiance, les PME ne font pas de projets au-delà de quinze jours ou trois semaines.