Accueillant la première concentration mondiale d'entreprises spécialisées dans le décolletage (usinage de petites pièces en métal), la vallée de l'Arve, dominée par le massif du Mont-Blanc, connaît aujourd'hui les pires heures de son histoire. Les 500 sociétés installées autour de Cluses, sur une trentaine de kilomètres, employant 11 000 salariés, dépendent en effet pour 60 % de l'industrie automobile.
La brutale chute des ventes de voitures neuves a eu un impact immédiat sur ce secteur d'activité, l'un des moteurs traditionnels de l'économie haut-savoyarde. "Les commandes ont baissé de 30 % à 70 % depuis plusieurs mois", confirme Lionel Baud, président du Syndicat national du décolletage (SNDec). Avec des conséquences instantanées sur l'emploi.
Alors qu'il y a un an seulement "on recherchait 1 500 jeunes sur le département pour rejoindre notre industrie", rappelle M. Baud, aujourd'hui on ne peut que constater les premiers dégâts de la crise.
"Le retournement de tendance remonte à juin 2008, constate Xavier Charvet, directeur délégué de Pôle emploi à Annecy. Les travailleurs intérimaires ont été les premières victimes." Ils représentent aujourd'hui les deux tiers des 2 000 chômeurs supplémentaires recensés sur le secteur clusien. "En une année, le chômage y a augmenté de 65,2 %", témoigne encore M. Charvet. Et le pire est à venir : les chefs d'entreprise ont joué jusque-là sur les leviers traditionnels pour amortir la crise - RTT puis chômage partiel -, mais "nous allons désormais entrer dans la phase des plans sociaux", affirme une autre source proche des dossiers liés à l'emploi sur le département. "Quarante-cinq procédures sont d'ores et déjà prévues, dont la plus grande partie concerne le secteur du décolletage", explique-t-il. Ainsi, EMT 74 à Bonneville ou Cartier Technologies à Cluses ont annoncé des dizaines de suppressions de postes...
"Nous entendons tous les jours des choses qui font peur, c'est bien plus qu'un trou d'air !", s'exclame Christian Monteil. Le président (divers droite) du conseil général de Haute-Savoie ne cache pas son inquiétude face à "un secteur sinistré". Pour tenter de relancer la machine, l'assemblée départementale a voté le 16 février une enveloppe de 10,5 millions d'euros en faveur du pôle de compétitivité Arve Industries, axé sur le décolletage et la mécatronique. "Nous souhaitons accompagner les entreprises dans leurs efforts de recherche et développement, de mise en réseau et de conquête de nouveaux marchés", poursuit M. Monteil.
L'Etat intervient aussi : le 13 février, Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, a annoncé une aide de 1 million d'euros pour la formation des salariés du secteur, en plus du plan de soutien à l'automobile. Une annonce qui a satisfait les responsables du SNDec.
La région Rhône-Alpes, par la voix de son président, Jean-Jack Queyranne (PS), a annoncé le 16 février une aide supplémentaire de 600 000 euros en faveur de la formation, de l'innovation et en soutien aux entreprises. "Sept cents salariés fragilisés du territoire de la vallée de l'Arve travaillant dans le secteur de la sous-traitance automobile sont susceptibles de bénéficier de ce dispositif", a affirmé le président de Rhône-Alpes.
Cette crise touche également les collectivités locales : "Les municipalités ont déjà mis leurs investissements sous réserve", explique Raymond Mudry, président (divers droite) de l'association des maires de Haute-Savoie, et premier magistrat de Marignier, une commune de la vallée de l'Arve où de nombreuses entreprises de décolletage sont installées. "Les commandes n'arrivent plus, ou sont annulées. Ce n'est pas une crise passagère. Et nous nous préparons à subir des plans sociaux. Dans ce contexte, la baisse prévisible des recettes de la taxe professionnelle et la hausse des demandes sociales vont mettre les finances des collectivités à rude épreuve", s'inquiète M. Mudry.