Les faits.
Cela ne vous aura pas échappé : les principales organisations patronales se sont mobilisées toute la semaine contre, selon leurs mots, 30 années d'une politique qui a « bridé » l'économie (Challenges.fr du 01/12). Avec 6 000 manifestants à Paris et 4 000 à Toulouse lundi, la CGPME a réussi son coup.
Protestant contre les taxes et la réglementation, ils réclamaient aussi la suspension des articles sur l'information des salariés en cas de cession d'entreprise et celle du compte pénibilité, qui coûterait entre 500 et 600 euros par salarié, qu'il soit ou non concerné par le dispositif, selon une enquête de l'UIMM publiée par le Journal du Dimanche. Les trois principales confédérations patronales, la CGPME, le Medef et l'UPA, ont également affiché leur unité mercredi à Lyon dans une salle de 3 000 places comble, assurant ne pas faire de la « politique », mais de « l'économie »... tout en sifflant le gouvernement (Challenges.fr du 04/12). Lequel leur a envoyé dès lundi un premier signal d'apaisement en mettant fin au principe de rétroactivité fiscale pour les entreprises : « très concrètement, cela veut dire que les changements de fiscalité n'affecteront plus ni les exercices déjà clos, ni même les exercices ou les années en cours » a expliqué le ministre du Budget Michel Sapin (UsineNouvelle.com du 01/12). Sur le compte pénibilité, M. Macron a confirmé mardi qu'un « groupe de travail » de PME plancherait pour « rendre la pénibilité supportable pour les entreprises », lesquelles y seront représentées, et la ministre de la Santé Marisol Touraine a affirmé ce jeudi sur RTL que le compte sera simple d'utilisation pour les patrons et ne nécessitera qu'un « clic » une fois par an (Challenges.fr du 04/12).
Les réactions politiques.
En revanche, le ministre de l'Economie s'en est pris à Pierre Gattaz mardi sur Radio Classique : « dans "pacte de responsabilité", il y a "responsabilité" (...). Très peu d'accords de branches ont été signés. C'est un échec et c'est aussi le sien » (LeFigaro.fr du 02/12).
Le président du Medef lui a répondu via Tweeter : « le Pacte est un 'échec' ? On arrête de demander aux branches de s'impliquer ? » (UsineNouvelle.com du 02/12). Le Premier ministre Manuel Valls est aussi monté au créneau à l'Assemblée nationale pour dénoncer les « provocations » de certains « dirigeants du patronat » : « quand la Nation, à travers le Parlement, consent et va consentir un effort de 40 milliards d'euros pour les entreprises, pour la compétitivité, pour baisser la fiscalité et pour baisser les charges, chacun doit être à la hauteur de ses responsabilités ». Le patron du Parti Socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, a pour sa part dénoncé mardi, dans une interview sur le site des Echos, la « politisation du Medef qui se conduit comme un parti politique et non comme un syndicat [et qui] a pris la tête de l'opposition au gouvernement à la place de l'UMP ».
Et ce alors que le dimanche précédent, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, n'avait pas hésité à pointer du doigt « un problème Gattaz ».
Les réactions des industriels.
Louis Gallois, ancien commissaire général à l'investissement et actuel président du conseil de surveillance de PSA, interrogé mercredi sur France Info, a regretté que « les négociations n'avancent pas assez vite » sur le pacte de responsabilité : « il faut les accélérer, y donner un vrai coup de booster. Il est de la responsabilité de tous les acteurs, et y compris du patronat, de faire en sorte qu'il y ait un climat qui permette » le dialogue. Refusant de désigner des responsables, il a martelé que « l'urgence, c'est de négocier et d'aller aussi vite que possible dans les branches. Deux branches ont réussi à négocier un accord : que l'on regarde ce qu'elles ont fait et qu'on essaye de faire la même chose ailleurs », a suggéré l'ancien PDG d'Airbus et de la SNCF.
Florent Monier, vice-président de la FIM Rhône Alpes et co-gérant de Thermi-Lyon, fidèle exposant du MIDEST, a participé au meeting de Lyon mercredi. Il regrette pour sa part que les politiques et l'administration méconnaissent les contraintes et la réalité du monde de l'entreprise : « ils n'ont aucune idée de comment leurs décisions vont se traduire sur le terrain (...). Dans la communication, il y a beaucoup de bonnes intentions, mais les actes ne suivent pas (...). Il y a toujours plus de contraintes, de réglementations, de dispositifs compliqués et longs à mettre en œuvre comme le CICE (...). Il faut arrêter de promettre, il faut agir vite et sans faire semblant, comme pour le pacte de responsabilité. Tout le discours sur les contreparties m'a vraiment énervé et je ne suis pas le seul. Quand on augmente les impôts des entreprises, on ne demande pas de contreparties, nous. Quand on supprime la première tranche d'impôts pour les ménages, ce qui est très bien, on ne leur demande pas de contreparties » (UsineNouvelle.com du 03/12).
Et la presse ?
Elle est plus ou moins partisane. L'ambiance actuelle est bien loin de celle affichée fin août lorsque M. Valls avait lancé son « j'aime l'entreprise » lors de l'université d'été du Medef, fait remarquer mercredi NouvelObs.com qui titre le lendemain sur « un irresponsable nommé Gattaz » qui serait poussé par sa base : « l'attitude du Medef est une aberration, puisqu'elle revient à s'enfermer dans des postures corporatistes que le patronat ne cesse de dénoncer chez les autres ». La newsletter, qui déplore qu'une bonne idée comme le pacte de responsabilité doive être menée avec cette direction du Medef, parle à son sujet d' « indigence intellectuelle » et d' « archaïsme », avant de conclure : « on se consolera en soulignant que son organisation, fort heureusement, ne représente pas tous les chefs d'entreprises français. Tant mieux, parce que ce n'est pas avec les amis de Pierre Gattaz que les choses risquent d'avancer »... En revanche, Thibaut de Jaegher, dans un éditorial paru ce jeudi sur UsineNouvelle.com, affirme que les patrons ont raison d'être en colère sur la pénibilité car « depuis le début du quinquennat, le gouvernement leur tient un double discours. Ce qu'il donne d'un côté, il le reprend de l'autre. Ces errements contribuent au final à enfoncer un peu plus l'appareil productif français dans la crise ». Pour Challenges.fr, ces manifestations traduisent également « le désarroi des chefs d'entreprises face au pouvoir, qui alterne discours rassurant et adoption de règles contraignantes ».
Qu'en pense l'opinion publique ?
Pour 64% des Français, les patrons « ont raison » de se mobiliser pour manifester « contre la politique du gouvernement », soutient un sondage Odoxa paru jeudi. Ils sont 77% à être plutôt favorables à un allègement de la fiscalité des entreprises, 61% à approuver la demande du Medef de relever les seuils sociaux, 62% son souhait de ne pas avoir à informer plusieurs mois à l'avance leurs salariés en cas de cession et 64% à demander une réforme de la loi dite de « pénibilité ». En revanche, 81% ne sont pas d'accord avec le syndicat pour revenir sur la présence des représentants des salariés dans les conseils d'administration des grandes entreprises.
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