« Prime à la casse : un bilan mitigé pour le plan français » titrent Les Echos du 8 juin : « Bercy avait reconnu avoir dépensé plus de 1 milliard d'euros pour les primes à la casse instaurées en 2009 et 2010 afin de soutenir les ventes d'automobiles. Mais en y ajoutant le bonus-malus écologique, ce sont près de 2,2 milliards que le gouvernement a déboursés sur deux ans, si l'on en croit les calculs de PwC. Le tout pour un résultat en demi-teinte, estime le cabinet d'audit.
Si le cumul de ces deux dispositifs s'est, dans un premier temps, traduit par un résultat positif (les ventes de voitures particulières ont progressé de 7,7 % entre 2008 et 2010), il a aussi modifié la structure du parc automobile français en réorientant les consommateurs vers des véhicules de petite taille. Un bon point pour l'environnement, ces petits modèles étant moins émetteurs de CO2, ainsi que pour la pénétration des marques françaises, plutôt favorisées par ce type de véhicules. Mais un moins bon point pour l'économie.
Car la production des petites voitures ‘françaises’, principales bénéficiaires des aides, est pour partie réalisée à l'étranger, notamment en Europe de l'Est, Turquie ou encore Espagne, pointe PwC. D'où une détérioration de la balance commerciale. Et si les aides ont permis de porter les ventes de voitures particulières (…) à un niveau record (…), elles ont coûté cher au vu du résultat final. Y compris comparé à l'Allemagne, qui a pourtant dépensé 5 milliards d'euros pour soutenir ses ventes, estime PwC.
‘Le dispositif allemand a pu se révéler plus vertueux pour l'économie nationale’, juge le cabinet d'audit. Parmi les 10 voitures les plus vendues outre-Rhin, seules 24 % des immatriculations étaient assemblées à plus de 60 % à l'étranger. En France, le taux correspondant monte à 55 %, note le cabinet. ‘Quand la France voit ses capacités de production diminuer, l'industrie automobile allemande conserve sur son sol un niveau élevé de production, en augmentation de
546 000 unités entre 2000 et 2009’.
Au-delà de l'accroissement des ventes, ces aides ont cependant profité aussi à la recherche, notamment sur la réduction des cylindrées et les véhicules électriques, pointe Gérard Morin, associé chez PwC. Par ailleurs, rappelle ce dernier, ‘il ne faut pas oublier les effets directs de l'augmentation des ventes automobiles sur les recettes de TVA et les effets indirects portant à la fois sur l'augmentation du nombre d'assurances souscrites, le maintien de l'activité des
sous-traitants nationaux ou encore la baisse de la facture énergétique du pays, qui sont venus contrebalancer un bilan financièrement mitigé’ ».
Du point de vue des sous-traitants, le modèle allemand ne constitue d’ailleurs pas forcément une panacée, du moins en ce qui concerne Volkswagen. C’est ce que laissent sous-entendre Enjeux Les Echos de juin qui consacrent leur couverture à la réussite du constructeur. Où l’on apprend qu’avec les marques VW, Audi, Bentley, Seat ou encore Porsche, il souhaite devenir le numéro un mondial en 2018 et qu’il en a les moyens. Mais le directeur de la rédaction explique ainsi son succès : « l’essentiel tient en peu de mots : une volonté farouche et persévérante de conserver les usines et les emplois sur le sol allemand, volonté commune de la direction, des syndicats et de l’actionnaire (…). VW n’a pas la productivité d’un Ford, ni sa rentabilité, il est probablement en sureffectif. Mais cela ne devrait pas l’empêcher d’atteindre son but (…). La politique commerciale est arrêtée : une multiplication de marques de haute qualité dans toutes les gammes (…). La méthode industrielle l’est aussi : standardiser au maximum les composants (…) et limiter ainsi la sous-traitance ; bref, faire souvent l’inverse de ce que fait la grande majorité des industriels d’Amérique ou de France ».
On aurait néanmoins tort de croire que cette analyse s’applique à l’ensemble de l’industrie allemande. C’est du moins ce qui ressort de l’interview très intéressante de Pierre Gattaz, président de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (Fieec) et du Groupe des fédérations industrielles (GFI), publiée dans La Lettre des Achats de juin. Il y prône notamment un véritable patriotisme industriel, basé sur une coopération entre donneurs d’ordres et sous-traitants hexagonaux… sur le modèle allemand !
M. Gattaz lance ainsi un « appel à plus de solidarité entre les entreprises. Cessons le jeu de massacre qui a cours depuis dix ou quinze ans dans l’industrie française, avec cette tendance à avoir pour seuls mots d’ordre la baisse des coûts instantanés et la mise en compétition sauvage. L’industrie nécessite des investissements pointus et de long terme. Nous devons bien sûr faire face à un problème de compétitivité et de coûts. Mais le coût d’achat instantané ne doit pas être le seul critère à prendre en compte lorsque l’on sélectionne un fournisseur. Il faut par exemple envisager sa capacité d’innovation, à apporter du service et de la qualité, ainsi que sa réactivité. Enfin, il faut faire comprendre aux acheteurs de toute la chaîne (…) que l’innovation est la clé de la compétitivité. Elle sert à apporter de la valeur au client. Elle peut aussi aider à baisser les coûts (…).
Sur tous ces points, les Allemands sont très forts. Ils ont une industrie puissante et, lorsqu’ils vont investir un nouveau marché à l’étranger, ils n’oublient pas leurs racines et l’écosystème d’entreprises qui les aident. Un client allemand paie ses fournisseurs allemands environ 15 % plus cher qu’un fournisseur étranger. Ce principe est reconnu et assumé. Il le fait par patriotisme et parce que, outre-Rhin, tout est fait pour favoriser l’emploi industriel. Mais aussi parce que ce pays a compris que c’est par l’innovation, la technologie et le service que l’on fait la différence.
[En France, les relations donneurs d’ordres – fournisseurs] s’améliorent, mais très doucement. Je pense qu’il y a encore un énorme écart entre la volonté réelle des patrons des locomotives industrielles et ce qui se passe dans leurs directions des achats. A ce titre, le rôle du médiateur des relations interentreprises est fondamental, et je le soutiens. Dans bon nombre de filières, les directions des achats se comportent encore de manière très court-termiste (…). Mais il est vrai que nous sommes dans un monde extrêmement financier (…). Il faut arriver à générer un équilibre entre des résultats financiers qui doivent s’améliorer tout le temps et des projets industriels de long terme ».
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