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Spécial élection présidentielle semaine 12

Lors de son meeting de Villepinte dimanche dernier, Nicolas Sarkozy a notamment proposé, comme Jean-Luc Mélenchon l'avait fait, la mise en place d'un Buy European Act à l'américaine, « une mesure protectionniste pour que les entreprises qui produisent en Europe bénéficient de l'argent public européen. Si l'Union européenne ne s'aligne pas sur la législation des Etats-Unis, qui réservent leurs marchés publics à leurs PME et aux produits fabriqués sur leur territoire, la France appliquera unilatéralement ces règles », a expliqué le président sortant qui appelle à une « Europe protectrice et fidèle à ses idéaux humanistes, une Europe des producteurs et des PME ». Il a insisté sur sa volonté de porter au niveau européen la défense de l'industrie. Un an après Fukushima, il a également fait « le serment de défendre l'industrie nucléaire française (...) pour notre indépendance, pour notre compétitivité ».

Le meeting n'a pas manqué de faire réagir. Pour Arnaud Montebourg, qui regrette « les 750 000 emplois industriels perdus depuis 10 ans », le « président découvre le protectionnisme des autres puissances mondiales » (UsineNouvelle.com du 12/03). Du côté de Bruxelles, l'évocation du Buy European Act laisse perplexe : la Commission européenne présente en effet la semaine prochaine une proposition de directive qui vise justement à restreindre l'accès aux marchés européens pour les pays tiers qui ne font pas preuve de la même ouverture. « Comme pour Schengen, le président français n'aura pas à attendre longtemps », ironise une source citée par Les Echos du 13 mars. Au passage, souligne le quotidien, Bruxelles semble ainsi « sorti de son idéalisme libre-échangiste » et de sa « naïveté ». Pourvu que ça dure...

Laurent Guez n'a pas non plus été impressionné par cette dernière proposition, comme il l'écrit dans son éditorial de l'Usine Nouvelle du 15 mars où il tacle au passage tous les candidats : « inspiré par le Buy American Act de Franklin D. Roosevelt, le président-candidat propose une "Loi achetez européen". Son adversaire socialiste défend, lui aussi, un "patriotisme industriel" et une défense de nos entreprises face aux pratiques déloyales. Leur concurrent centriste n'est pas en reste, qui fut le premier à crier "Achetez français !". Quant à Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, leur spectaculaire antagonisme connaît au moins une exception, puisque tous deux prônent un protectionnisme assumé. Avec leurs valeurs et leur histoire personnelles, chacun à sa façon, les candidats à la présidentielle se sont ainsi emparés de la thématique.

Faut-il en effet, au nom du pragmatisme, ériger des barrières douanières ou réglementaires ? Si oui, faut-il les bâtir à l'échelle de la France ou plutôt de l'Europe ? Pour en finir avec l'idéologie du libre-échange, prêcher une forme de préférence nationale ou communautaire ? Ces tentations sont très classiques en période de crise mondiale. Quand on ne perçoit pas les bienfaits de l'ouverture, on réclame la fermeture. Réaction humaine, politique dangereuse. Le protectionnisme débouche au mieux sur des représailles économiques, au pire sur des affrontements belliqueux.

Pour déminer le terrain et apporter une réponse raisonnable à une question légitime, les uns et les autres pourraient s'entendre sur une notion inattaquable : la réciprocité. Je t'achète volontiers tes produits... si tu achètes les miens dans les mêmes conditions. Si mes marchés publics te sont ouverts, pas question de m'interdire l'accès aux tiens. À ce compte-là, les accords bilatéraux entre l'Union européenne et les grandes puissances industrielles mériteraient d'être sérieusement réexaminés. Soyons clairs : ce sont les négociateurs européens qu'il faut mobiliser, pas les douaniers !

Voici tout juste un an, le gouvernement a d'ailleurs commandé à Yvon Jacob un rapport sur "la réciprocité entre les échanges commerciaux internationaux". Son contenu devrait être (enfin) rendu public cette semaine. Ex-président des industries mécaniques et du Groupe des fédérations industrielles, l'ambassadeur de l'industrie montre comment la concurrence déloyale pousse aux délocalisations. Les briquets jetables made in China, explique-t-il, sont ainsi moins chers que ceux qui se conforment aux règles européennes. Mais ils sont explosifs. Comme son rapport, fin prêt depuis trois mois, mais coincé entre les cabinets ministériels ? ».

Le 13 mars, François Bayrou a balayé l'idée de la TVA sociale, le coût du travail n'étant pas, selon lui, le cœur du problème. Sur le modèle allemand de la cogestion, le candidat centriste est favorable à la mise en place d'un modèle de « co-responsabilité » dans les entreprises car ces dernières « n'appartiennent pas qu'à leurs actionnaires mais aussi à leurs salariés ». Pour restaurer la capacité productive française, il appelle à la mise en place d'une « stratégie nationale que nous n'avons plus depuis longtemps » avec la création d'un commissariat à la stratégie pour déterminer comment reconquérir les secteurs industriels perdus et monter en gamme. En matière industrielle, il plaide pour une solidarité entre entreprises mais aussi entre celles-ci et la recherche publique (UsineNouvelle.com des 13 et 14/03).

Rebondissant sur le nucléaire, la candidate d'Europe Ecologie Les Verts Eva Joly soutient que « le nucléaire paraît peu cher car on dissimule les coûts cachés : dégradation de l'environnement, prix du stockage des déchets et du démantèlement. La Cour des Comptes estime le coût d'un accident type Fukushima en France à 1 000 milliards ! » (UsineNouvelle.com du 12/03).

Le 6 mars, Jean-Luc Mélenchon était en meeting à Rouen devant 10 000 personnes. Le candidat du Front de Gauche a égrené à cette occasion une liste de dirigeants d'entreprises qu'il qualifie de « déserteurs fiscaux » et a promis qu'ils seraient « pourchassés » s'il était élu. Parmi eux, il a adressé « un grand bonjour à Thierry Peugeot, le président du conseil de surveillance de PSA, réfugié en Suisse à quelques kilomètres des entreprises qu'il est en train de vider de leur sang (...). Cette liste va être très mal vécue par la bonne société, mais souvenez-vous que ces déserteurs fiscaux n'hésitent pas à martyriser des pauvres gens qui n'ont que leur salaire pour vivre ». S'il est élu, « toute personne qui ne veut pas être imposée, domiciliée fiscalement en France, ne pourra plus exercer de responsabilité exécutive dans une entreprise française (...). Tous ces gens sont prévenus, la gauche est de retour » (UsineNouvelle.com du 08/03).

Mécasphère de mars consacre une double page aux visions de l'industrie par le PS et l'UMP avec Alain Rousset, responsable du secteur pour la campagne de François Hollande, et Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP.

Le supplément Entrepreneurs des Echos du 14 mars est consacré à « ces PME industrielles qui trouvent de nouveaux leviers de croissance ». Entre autres contributions, on y trouve une interview très intéressante de Jérôme Frantz, le président de la Fédération des Industries Mécaniques. Morceaux choisis : « [en cette période électorale], on voit de grands discours pour sauver des entreprises dont le cas est désespéré ou faire circuler des slogans creux, comme l'idée d'acheter français. En réalité, un choc de compétitivité est nécessaire pour réindustrialiser la France, et non l'inverse. Mais ce qui compte avant tout, c'est que la prise de conscience soit générale. Il y a trente ans, on misait tout sur les services et on orchestrait la désindustrialisation (...). Il a fallu la passion de bien des entrepreneurs et bien des salariés pour sauvegarder l'industrie française, ou ce qu'il en reste, contre la volonté des politiques. Aujourd'hui, tout a changé. Notre génération a une chance unique de sauver la compétitivité industrielle française (...) : dans quelques années, ce sera trop tard. [Dans cette optique], il faut saluer la tentative de transférer une partie du poids des charges sociales vers la TVA et la CSG. Ce n'est pas suffisant, mais cela offre un puissant levier pour faire bouger le système, qui soumet les entrepreneurs à un nombre de contraintes sans équivalent dans le monde. Il faut aller plus loin (...). L'Etat ne doit pas tenter d'imposer de fabriquer en France, ce serait absolument inefficace. En revanche, il peut donner libre cours à la créativité et l'inventivité dans l'industrie, tout en orchestrant la mobilisation de toutes les parties prenantes (...). L'Etat peut jouer un rôle d'entraînement essentiel pour transformer le financement, les relations entre les grands groupes industriels et leurs fournisseurs, l'image de l'industrie dans les nouvelles générations...

Dans la mécanique, nous nous apprêtons à créer 200 000 emplois dans les cinq années qui viennent : nous ne trouverons jamais ces compétences si nous ne donnons pas envie aux jeunes de travailler dans l'industrie. Il faut faire savoir à nos clients que dans de nombreux domaines, les PME industrielles françaises sont des leaders mondiaux ! ».

Edité par l'équipe du MIDEST

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