Parti d’un BEP, il revient diplômé des grandes écoles.
Son parcours mérite d’être souligné. Ce fils de décolleteur de Scionzier est sur le point (d’ici sept ans) de reprendre l’entreprise de son père. Parti de la base du métier, le voilà formé pour être un entrepreneur de PME-PMI après une licence et plusieurs mastères.
Voilà un parcours qui pourrait servir d’exemple. «De bac moins deux a bac plus six» (De BEP à mastère spécialisé, Ndlr), s’amuse à souligner Jean-Yves Paturel. Le jour où ce fils de décolleteur nous reçoit dans l’usine de son père, nous remarquons un tableau accroché au mur. Un tableau dans lequel se trouvent des médailles que notre interlocuteur s’empresse de commenter. « Ce sont les médailles professionnelles que mon arrière-grand-père a remportées à l’époque où il dirigeait la Fabrique de pignons et pivotages Depery-Patutrel et Compagnie. » On y découvre, entre autres, celle de l’exposition universelle à Paris, en 1889, année de création de l’usine à Scionzier. Cinq générations plus loin, l’entreprise de décolletage est toujours debout. Le savoir-faire préservé par une famille unie. Anselme, Jean-Claude, Jean-Pierre, Jean-Claude peuvent se targuer d’avoir perpétué une usine familiale. Reste à Jean-Yves, le cinquième maillon de la chaîne Paturel, la lourde tâche d’en prendre les rênes, d’ici sept années. Jean-Yves aura alors 33 ans. Mais pour en arriver là, quel parcours ! Car il ne suffit d’être le fils de, pour diriger une entreprise de décolletage. Le métier est complexe. Et la fonction de PDG, au XXI° siècle, s’apprend aussi dans les grandes écoles.
Mais tout a commencé pour Jean-Yves dès son enfance. Ces années où il habitait avec ses parents juste au-dessus de l’usine, avenue de La Colombière à Scionzier. « A chaque vacances scolaires, je passais mon temps dans l’atelier », se souvient-il.
À table, les discussions tournaient bien souvent autour de l’activité de l’entreprise. Ce qui ne laissa pas indifférent le jeune Jean-Yves entouré de ses deux grandes soeurs, Valérie et Floriane. Au point de construire une usine en Lego, dans laquelle le garçonnet s’amusait à fabriquer puis à livrer des pièces qu’il allait récupérer dans les rebuts de l’atelier de son grand-père Jean-Pierre Paturel.
Jean-Yves grandit. Son adolescence n'a en rien changé la donne. Jean-Yves a bien l'intention d'apprendre la mécanique. « Mon père ne m'a jamais forcé à faire ce métier», prévient-il. Ce dernier décide de passer par un BEP production afin de pouvoir ensuite travailler au côté de son père. « Mais je me suis vite rendu compte que gérer une entreprise n'était pas aussi simple que ça. Le BEP n'était pas un bagage suffisant », raconte-t-il.
C'est à partir de ce constat-là, que Jean-Yves n'a cessé de gravir les échelons de son brillant parcours scolaire. Ce qui n'était pas pour déplaire à Jean-Claude Paturel, plutôt mal à l'aise avec l'outil pédagogique. « Mon père voulait que j'apprenne suffisamment bien le métier avant de pouvoir entrer dans son usine, reconnaît Jean-Yves. Puis, je ne souhaitais pas être formaté par l'entreprise familiale en apprenant une seule façon de travailler. Il faut aussi pouvoir se comparer aux autres. »{mospagebreak}
« Je voulais être acheteur »
Après une première adaptation, Jean-Yves vise le bac génie mécanique en choisissant l'option microtechnique. « J'ai eu mon bac mais il me manquait le concret, le réel, l'opportunité de mettre en application tout ce que j'avais appris. Pour cela j'ai opté pour un BTS productique en alternance au lycée du Mont-Blanc. » Jean-Yves ne fera pas son alternance chez son père mais dans une entreprise de Marignier. Après six années d'expériences techniques, « il me manquait les compétences d'entrepreneur; de la gestion à la finance », s'entête-t-il, alors qu'il aurait pu enfiler la blouse de la société Jean-Claude Paturel Décolletage et débuter confortablement sa carrière. Jean-Yves choisit finalement une licence puis une maîtrise en marketing et vente industrielle à l'ESCI (Ecole supérieure de commerce et d'industrie) de Bourg-en-Bresse (Ain). « Parce qu'il faut être aussi un bon commercial dans une entreprise », se justifie-t-il. En deuxième année, Jean-Yves s'oriente vers une option achat. Il entre comme acheteur junior à MGI Coutier à Champfromier (Ain) où il signe un contrat d'apprentissage en alternance. «Je voulais être acheteur pour voir ce que cela faisait d'être de l'autre côté de la barrière. » « Et acheteur de pièces de décolletage et de pièces plastiques », précise-t-il. Jean-Yves découvre alors un environnement auquel il ne s'attendait pas. Et c'est une seconde vocation qui s'ouvre à lui. «J'ai toujours cru que les acheteurs avaient la vie facile. Mais j'ai vite compris que ce n'était pas vraiment le cas. C'est en tout cas un super métier. Un métier dans lequel je retournerai bien volontiers », analyse-t-il. Mais Jean-Yves ne va s'arrêter en si bon chemin. Il se tourne vers un mastère spécialisé management en achats et logistique Industrielle à Grenoble école de Management (Isère) qu'il vient de terminer. «Pour le diplôme et la notoriété de l'école. Cela vous ouvre des portes », indique-t-il. Son stage chez Valeo, à Annemasse, ne le laissera pas indifférent. « C'est Valeo qui a lancé le métier d'acheteur. C'est la meilleure école », s'enthousiasme-t-il.
Alors que Jean-Yves est en train de collectionner les diplômes, à 54 ans, son père se pose la terrible question pour un patron : « Comment vais-je transmettre mon entreprise ? » Et surtout à qui ? « En avril dernier, j'ai eu une longue discussion avec mon père. Je lui ai demandé de me former jusqu'à sa retraite, afin qu'il me transmette le savoir-faire de Jean-Claude Paturel Décolletage. » En attendant, Jean-Yves se replongera dans les études. Lors de notre rencontre, dans la nouvelle usine de Scionzier, Jean-Yves rentrait de sa première semaine à l'École des mines de Saint-Étienne (Loire) où il prépare un mastère spécialisé d'entrepreneur PME-PMI. « Pour mieux reprendre et gérer une entreprise», détaille-t-il. Fin 2008, Jean-Yves entamera sa dernière ligne droite qui le mènera à la tête de l'entreprise dans cinq ou six ans. Mais déjà, il s'est attelé à créer un site Internet et une nouvelle plaquette commerciale (deux créations plutôt bien réussies).
Un bel hommage au fondateur
Ce qui est sûr, c'est que Jean-Yves a déjà son idée sur la façon à diriger l'entreprise. «J’aimerais que l'on soit fier de travailler pour Paturel, comme je l’ai été chez Valeo. Je voudrais aussi faire en sorte que Jean-Claude Paturel Décolletage reste une entreprise aux services de ses clients et devienne une marque de notre savoir faire dans le décolletage, tournage et l'usinage de prototypes et de pièces de petites et moyennes séries. Jean-Yves Paturel sait aussi, qu’être chef d'entreprise, c'est aujourd’hui connaître la finance, le management des salariés, maîtriser le marketing, les achats, et bien entendu la technique. Sans oublier, savoir déléguer, ce que les anciens n’ont pas forcément appris à faire. Armée avec de si lourds bagages, la cinquième génération est sur le point de prendre le relais. L'entreprise de décolletage Paturel a encore de belles et longues années devant elle. Quel bel hommage à son fondateur Anselme.
Propos recueillis par : Jérôme MEYRAND rédacteur en chef de la revue Le Décolletage