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Interview de Marc Horellou du groupe de décolletage Enricau

À la reprise, on passera de -50 % à -20 % : Marc Horellou dirige le groupe de décolletage Enricau à Vougy (Haute-Savoie).

Comment avez-vous passé la crise ?
Marc Horellou. Nous avons fermé en partie les robinets dès novembre 2008 sur tout ce qui est coût hors masse salariale. Puis le grand enjeu, c’est l’ajustement de cette masse. Nous avons variabilisé par rapport aux ventes à partir de février, par deux voies : réductions d’effectif, en particulier de l’intérim, et chômage partiel. En terme de résultats, on a consommé un peu de cash au dernier trimestre 2008, et on a arrêté d’en consommer en décembre. On a généré 1,8 million d’euros de cash au premier semestre, malgré -40 % au global, et aussi réduit nos stocks.

Quel a été le moteur de cette baisse d’activité ?
On a vécu un décrochage très fort de l’activité lié au marché et à la crise, mais surtout au déstockage de l’ensemble de la filière, avec du -50 % pendant 6­mois jusqu’à mars. Alors que le marché n’a jamais été là. Au premier semestre il s’est tenu à -11 % en Europe. Nous sommes donc encore décalés par rapport au marché. Mais -20 % puis -11 %, on a vu bien pire que ça.


Les pièces sont parties à l'étranger ?
En janvier-février, on pouvait être dans la paranoïa, avec -50 %, alors que le marché n’est pas là. Ça veut dire qu’il y a quelqu’un d’autre qui a pris nos pièces ! Mais nos collègues dans la vallée ou en Allemagne étaient tous à -50 % ou -60 % entre janvier et mars. En fait, personne n’a perdu de pièces, c’est un déstockage massif qui s’est opéré. C’est d’ailleurs choquant dans une industrie qui se veut très donneuse de leçon en matière de gestion des flux, de s’apercevoir qu’il y a 6­mois de stock dans les tuyaux… À l’époque où je faisais des sièges de voiture, il y avait 140 minutes entre la réception de la commande et la livraison du siège dans la voiture. Cela a d’ailleurs été une surprise pour tout le monde. Et ce qui en a mis une louche supplémentaire, c’est que nos clients ont réduit leur stock au-delà de ce qu’ils faisaient avant la crise, pour préserver leur cash.

Le secteur automobile montre des signes de reprise. Est-ce dû uniquement à la prime à la casse ?
L’idée de la prime, c’était de faire le pont entre la crise et la reprise. Cela dit, une voiture vendue en mai ne le sera pas au mois de septembre. Les études sérieuses tablent plutôt sur un marché européen qui sera décalé de -15 % au deuxième semestre 2009 et le suivant, et ensuite peut-être une reprise. Mais pour moi, la reprise c’est de passer de -50 à -20 %. Aujourd’hui, j’adapte l’entreprise pour qu’elle soit au point mort à -30 %, pour refaire des résultats positifs à -20 %, et que ça puisse durer comme ça pendant longtemps. Gérer du -50 % et du -20 %, ce sont deux gestions très différentes. -20 %, c’est une forte amplitude, mais on doit être capable de le faire. -50 %, c’est une autre problématique.

Pour vous, la crise va donc marquer un changement pérenne ?
Oui, on est dans une crise de confiance. Si on la retrouve, on peut imaginer retourner à un marché un peu plus correct. Mais cette crise va marquer les esprits. On va gérer différemment, conserver une flexibilité importante, garder l’intérim, moins investir en capacitaire. Nous allons davantage réutiliser des machines existantes, acheter des machines d’occasion, faire attention à nos dépenses. Aujourd’hui, les clients s’assurent d’abord de la viabilité, que leurs entreprises seront bien livrées. Mais une fois stabilisés, on va revenir à des questions très terre à terre de guerre des prix.

À ce titre, la concurrence étrangère se fait plus aiguë…
Aujourd’hui, beaucoup de nos donneurs d’ordre sont Allemands. Là-bas, il y a une grosse connivence entre les donneurs d’ordre, les équipementiers, les constructeurs, les fournisseurs… Le grand risque, c’est que nos clients achètent hors d’Allemagne seulement ce qu’ils ne trouveront pas en Allemagne. On récupérera les miettes du marché. On a besoin de s’organiser, avec la notion de taille critique. Nos clients recherchent aujourd’hui des gens qui soient capables de les accompagner en production sur plusieurs continents.

Il faut donc délocaliser ?
En fait, on sort du dogme de la délocalisation pour celui de la localisation. Les zones de consommation et de production se sont déplacées. On vend davantage de voiture en Asie, en Europe de l’Est, au Mexique… Les clients vont chercher un produit standard développé une fois, conçu une fois, industrialisé une fois et vendu à plusieurs endroits. Si l’on n’est pas capables de suivre ces mouvements-là, on risque de perdre des opportunités.

Comment faire, en regroupant ses forces ?
Ça peut être des alliances, oui. Ce sera plus aisé d’aller s’installer pour trois ou cinq clients d’un coup que pour un seul. Faut-il faire des alliances dans la vallée pour acquérir ces assiettes suffisantes afin d’amener des implantations à l’étranger ? Pourquoi pas. Mais ça peut aussi être des alliances ou des acquisitions directement à l’étranger.

D’où votre tentative de reprendre Frank et Pignard…
Je suis dans cette réflexion depuis janvier, il y a eu une opportunité que j’avais considérée, qui était effectivement Frank et Pignard. Ça aurait permis une bonne complémentarité de clients, de produits, de savoir-faire. Le projet que j’avais conçu était un projet très conséquent de mise en commun, de synergies très importantes entre les deux entreprises. J’envisageais des investissements très importants, avec des investisseurs, pour réindustrialiser Frank et Pignard. Car un de leurs gros problèmes c’est d’avoir très peu investi ces dernières années. On a cassé le modèle initial qui était d’investir massivement pour placer la barre assez haut. Je n’y serais pas allé a minima, ni dans les investissements, ni dans les synergies. J’avais prévu 15 millions d’euros assez rapidement.

Peut-on craindre une désindustrialisation de la vallée de l'Arve ?
C’est un risque. On peut considérer qu’on a perdu beaucoup de temps dans la vallée sur la dernière décennie. On avait une image de technicité, de puissance industrielle jusqu’à la fin des années ­90. Depuis, notre image s’est dégradée. Des manipulations financières ont eu lieu, opérées par des fonds, et qui n’ont pas apporté ce qui était attendu. Il y a eu aussi un certain nombrilisme à penser qu’on était de toute façon plus forts que tout le monde, et l’on s’est regardés les uns les autres en chien de faïence plutôt que de regarder vers l’extérieur. Pendant ce temps, certains n’ont pas perdu de temps.

Risque-t-on un scénario à la manière des mines du Nord ?
Ce n’est pas exclu, sauf à ce qu’on ait un sursaut fort avec des leaders puissants dans la vallée. Plein de bonnes initiatives sont prises, par le CTDEC (Centre technique de l’industrie du décolletage, Ndlr), le SNDEC (Syndicat national du décolletage, Ndlr), le pôle de compétitivité Arve-Industries, sur la mutualisation. Je pense que c’est ce qu’il faut faire, mais je suis plus dubitatif sur notre capacité collective à le faire. On est très indépendantistes, ce que je peux comprendre.

 

Propos recueillis par David Gossart, journaliste pour l’hebdomadaire Le Messager

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